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Le "vrai" cinéma est "ailleurs" au 24ème Festival International du Premier Film d’Annonay:compte-rendu

  • medium_fest2007_large.3.jpgAlors qu’un film monopolise la sphère médiatique, la Môme d’Olivier Dahan (mais est-ce nécessaire de le citer ?), à Annonay vient de s’achever la 24ème édition du Festival International du 1er Film où j’étais membre du jury. Probablement n’avez-vous pas entendu parler de ce festival…et c’est bien dommage. C’est bien dommage parce que sous nos yeux de cinéphiles à la curiosité et l’enthousiasme insatiables ont émergé des cinéastes, des vrais qui, contre vents et marées, se battent pour faire entendre leur voix, évidemment moins résonante, mais non moins percutante, que celle d’Edith Piaf. Là-bas, dans le silence. Loin du vacarme médiatique.  
  • Avant de vous conter ces 4 magnifiques journées, revenons donc en quelques mots, quelques mots seulement (tant, trop d’encre ayant déjà coulé sur ce sujet) sur ce film (presque ?) unanimement annoncé comme un chef d’œuvre. Mardi soir avait lieu la dernière avant-première  de La Môme à l’UGC Ciné Cité les Halles présentée par l’équipe du film, visiblement harassée à tel point qu’Olivier Dahan n’a pas daigné adresser un seul mot au public si ce n’est pour préciser qu’il était trop fatigué pour le faire. Puis 2H20 de cris, de medium_mome.JPGlarmes, de colère, d’un visage ravagé. 2H20 harassantes. Le spectateur est pris en otage : il faut qu’il pleure, qu’il compatisse. Les affres de la création et de la drogue et de l’alcool et de la maladie et de la mort de sa grande passion et de son visage attendrissant d’enfant mal aimée et un coucher de soleil mais  que vient-il donc faire là celui-là ? Ah oui: cristalliser l’émotion à tout prix. Et la musique évidemment. Alors, certes, la musique d’Edith Piaf, sublime complainte mélancolique apporte force, intensité, lyrisme, flamboyance à ce biopic. Forcément. Alors, certes, les construction, déconstruction, reconstruction, traduisent les souvenirs forcément parcellaires de Piaf à la fin de sa vie. Le montage, donc très habile, vous emporte dans son tourbillon vertigineux sans vous laisser le temps de respirer et surtout de penser. Alors, certes, il y a ce sublime et déchirant plan séquence de six minutes lorsque Edith apprend la mort de Marcel.  Certes Marion Cotillard imite les gestes, fait du play back à la perfection, se donne sans compter (quoique je me suis demandée si Edith Piaf avait vraiment la voix d’ET  quand elle parlait?), de même que Clotilde Courau (dommage qu’elle ne tourne pas davantage). Certes, enfin, c’est une medium_piafbis.JPGmagnifique bande annonce pour tous les produits dérivés estampillés Piaf déjà dans les rayons avant la sortie du film.  Mais est-ce cela vraiment le cinéma ? Qu’on nous dicte nos choix, qu’on nous prenne par la main, qu’on nous assiste ? J’aime la liberté. D’aimer ou de ne pas aimer. De laisser mon imagination vagabonder. Là, nous n’en avons ni le temps ni l’opportunité. Aller à l’essentiel (mais ne peut-il être aussi dans le superflu ?). Pas de place pour le silence. La musique est omniprésente. Les images sont hypnotiques. La caméra nous emprisonne. Trop de larmes et d’émotions tuent l’émotion, la mienne en tout cas, pourtant toujours si prompte à se manifester. Il est rare que sur ce blog je fasse part de mon mécontentement, préférant laisser cela à d’autres et partager mon enthousiasme, mais je reste perplexe devant l’unanimisme suscité par ce film et j’aimerais comprendre... alors que tant d’autres films, eux magnifiques (La vie des autres par exemple, premier film extrêmement maîtrisé dont je vous reparle bientôt) sortent dans une quasi indifférence, je me demande si’ l’esprit critique, vraiment libre, existe encore !  Alors quoi ? La crainte de critiquer un monument comme Edith Piaf ? Mais ne pas aimer son biopic n’empêche pas de savourer sa musique et de reconnaître son incontestable talent (ce qui est mon cas) ? L’impact des chaînes de télévision ? Le consensualisme ? Une société impatiente, consumériste qui ne prend plus le temps. D’analyser. De la distance.  De se laisser prendre par une émotion subreptice et non tapageuse.

medium_train.JPGJe l’ignore mais je préfère laisser la question en suspens pour évoquer un autre film, celui, empreint d’une indéfinissable magie, que j’ai vécu pendant ces 4 jours à Annonay. Cannes, Deauville, Cognac, Dinard, Paris,  Cabourg … peu importe le lieu, chaque festival est une expérience unique. Une savoureuse irréalité. Je l’avoue, pourtant : à  quelques heures du départ, je me demandais ce que j’allais fabriquer dans ce village de l’Ardèche, là où a été tourné L’homme du train et là où il n’y pas de gare, un village connu des seuls initiés en montgolfière et des cinéphiles plus qu’avertis. C’était oublier que je n’étais pas la seule protagoniste de l’histoire. C’était oublier que 8 autres cinéphiles avaient emprunté la même route serpentée pour faire partie de ce jury et arriver à Annonay. Enivrante angoisse de l’inconnu. Elle est là aussi la magie du cinéma : réunir des inconnus autour d’une même dévorante passion, les débarrasser de tout préjugé, et leur donner l’impression de se connaître depuis toujours, le sentiment partagé de rencontres uniques et marquantes, l’envie de continuer ces débats aussi exaltés qu’exaltants. Un moment hors du temps, à la fois si réel et vivant, irréel aussi.

medium_crime2.2.JPGPuis, vient l’heure du film d’ouverture au cinéma Les Nacelles, déjà une invitation à l’envol, au voyage vers un ailleurs rêvé. La première projection était celle du président de notre jury, Manuel Pradal, son troisième long métrage aussi, Un crime déjà présenté en avant-première au dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville à l’occasion duquel je vous l’avais d’ailleurs déjà recommandé, une histoire coécrite par Manuel Pradal et Tonino Benacquista. Un homme, Vincent, (Norman Reedus) a perdu le goût de la vie depuis l’assassinat de sa femme. Sa voisine, de sa « fenêtre sur cour » Alice (Emmanuelle Béart) est persuadée qu’elle le rendrait heureux. Alors elle décide de fabriquer un coupable, un chauffeur de taxi new-yorkais (Harvey Keitel) pour qu’il se venge et tourne la page.  Mais le coupable idéal n’existe pas…Le crime parfait non plus.  Avant tout, ce film, noir indiscutablement, a une vraie « gueule d’atmosphère. » C’est là aussi son principal intérêt, les rebondissements pourtant parfois abracadabrantesques étant finalement secondaires, favorisent la linéarité du récit  et ne nuisent nullement à la jubilation que procure ce film, une jubilation avant tout suscitée par la confrontation judicieuse entre Emmanuelle Béart (femme fatale, impressionnante de fragilité mais aussi de passion déterminée) et Harvey Keitel. Dès sa première apparition, derrière les barreaux d’une prison, indolente, mystérieuse, avec le regard sauvage d’un animal blessé mais aussi défiant et résolu d’un fauve en cage, Emmanuelle Béart happe la caméra comme elle le fera avec sa proie, et elle ne la et ne nous lâchera plus jusqu’à la dernière seconde. Un crime est donc plus et avant tout un film de personnages,  trois personnages  prêts à tout par amour.  A tout oublier. A tout accepter. A se perdre. A dériver. A tomber dans un gouffre dont Brooklyn est le sombre et non moins magnifique reflet : à la fois inquiétant et fascinant. L’histoire n’a alors plus vraiment d’importance. L’intérêt réside dans l’ambiguïté des sentiments et de ce face à face d’une âpreté ensorcelante, saisissant, sensuel, carnassier même et dans cette atmosphère nocturne des rues sombres et menaçantes, des bars enfumés et énigmatiques de New York, cadre oppressant, rythmé par la musique discrète et non moins essentielle d’Ennio Morricone. Tel le boomerang le passé revient toujours en pleine figure. Je n'en révèlerai pas plus. On se laisse volontiers embarquer dans ce New York fantomatique et mystérieux avec cette femme qui aime à la folie, faisant fi de toute morale et de toute raison.  Avec cet homme trouble et troublant qui se laisse capturer. Ils jouent avec le feu, consumés par une passion destructrice. A l’image du  spectacle de danse et de feu qui a lieu dans le bar où se rencontrent Alice et le chauffeur de taxi, c’est un film incandescent et brûlant, un conte (« Alice » au pays des merveilles obscures) d’une noirceur romantique qui réfute toute tiédeur et ne pourra vous laisser de glace!

Si Annonay a chaque année un thème pour leitmotiv, cette année le road movie, le véritable temps fort de ce festival est la compétition de premiers films n’ayant pas encore de distributeur, la raison de notre présence, nous l’aurions presque oublié. Je précise que cet avis n’engage que moi et pas les autres membres du jury et ne remet aucunement en cause le palmarès et nos longues et palpitantes heures de délibération.

medium_vie_ailleurs.JPGCeci étant, je tiens à vous parler d’abord et avant tout d’un film à l’image de ces 4 jours, intitulé La vraie vie est ailleurs, un film suisse réalisé par Frédéric Choffat.

Gare de Genève. Une femme va à Marseille donner une conférence. Un homme court à Berlin découvrir son enfant. Une jeune femme part vivre à Naples. Et quand l’autre s’invite sur le siège d’en face, une réalité nouvelle peut surgir. Trois rencontres, trois histoires de vie qui basculent sur un quai de gare.

Qui n’a pas une anecdote dans un train ou une gare ? Quel lieu plus propice au surgissement de l’imprévu, de l’inconnu, du singulier dans une existence  que celui de tous ces destins qui se frôlent, de toutes ces vies entre parenthèses, de tous ces regards qui se croisent, s’esquissent ou s’esquivent furtivement? Peu importe le lieu. Seul ce qui s’y déroule compte. Cela peut se dérouler à Annonay où neuf routes se rejoignent le temps d’un festival. Cela peut avoir lieu dans un train ou une gare. Dans tous les cas, les préjugés et les catégorisations volent en éclats. L’anecdotique aussi. L’instant est à la fois banal et crucial et la poésie parce que inattendue est sublimée par cette quotidienneté. Ces personnages sont tous entre deux moments, entre deux pays, en route vers un ailleurs redouté ou idéalisé. Ils n’ont pas de nom, pas de prénom. Leur histoire est singulière et universelle. Leurs solitudes se rencontrent et la même altérité débarque dans leurs habitudes. La vraie vie n’est pas ailleurs, même s’ils le croient, (ne le croit, craint-on pas toujours ?) mais bel et bien là sous nos yeux. Capturer ce reflet-là relève d’un talent incontestable. Grâce au regard d’une acuité sidérante du réalisateur. Grâce au jeu impeccable, aux accents de vérité époustouflants et à l’improvisation des acteurs, à l’image de ce long plan où, sur une musique italienne, la jeune femme passe de la tristesse, à la joie du retour, à la nostalgie, au regrets, à la réalité étouffante. Grâce au montage qui permet que chaque histoire se fasse subtilement écho. Grâce à l’attention portée aux gestes et aux regards qui semblent vibrer, exister, surgir sous nos yeux. Grâce à cette tension contenue où s’entrelacent rage et désir. De et contre l’autre. D’exister et contre l’existence. Grâce à cette maladresse  d’inconnus si proches et si lointains, qui paraît si réelle. La brièveté renforce l’intensité de leurs relations. Ils ne maquillent plus leurs émotions. C’est la vie sans fards. Parfois quelques heures, une seconde suffisent pour faire basculer une existence, ici une nuit blanche peut permettre de l’appréhender différemment. C’est une formidable bouffée d’oxygène, un huis clos haletant, bouleversant, dont on ressort, comme après ce festival, avec l’envie de saisir chaque seconde, de ne jamais oublier que comme le dit Molière (Romain Duris) dans le film éponyme de Laurent Tirard « rien n’est impossible ». Si Laurent Tirard le fait dire, Frédéric Joffat le montre dans chaque seconde du film. Cette fiction a  la force incomparable d’un documentaire sur la vraie vie et l’intensité poétique de la beauté éphémère qui surgit de l’inattendu et de l’inconnu. A l’image de ces 4 jours.  C’est dans La vraie vie est ailleurs que vous trouverez les résonances de l’existence, plus présente et prégnante que jamais.

Deux autres films radicalement différents mais non moins intéressants ont émergé de cette compétition dont le niveau était d’ailleurs étonnamment élevé pour des premiers films n’ayant pas de distributeurs. C’est tout d’abord La part animale, le film français de Sébastien Jaudeau qui a obtenu le Prix spécial du jury, une adaptation du roman d’Yves Bichet. Etienne vient d’être embauché comme ouvrier dans une exploitation avicole moderne. Il est en charge de la reproduction des dindons. Peu à peu, au contact des bêtes, le regard qu’il porte sur l’humanité évolue.La part animale est une œuvre. Avec tout ce que cela peut impliquer. De radicalité. De point de vue. D’étrangeté. D’audace. Elle décontenance et malgré et à cause de cela force notre admiration. Le thème de l’animalité s’insinue dans le moindre fragment du film (jusqu’à l’excès : plans de sangliers, excès de références, notamment picturales, comme L’origine du monde de Courbet qui lui font frôler le didactisme et toujours en éviter l’écueil), se reflète dans le jeu des comédiens, dans leurs excès et leurs dérives. Tel le Rhinocéros de Ionesco, le dindon s’immisce partout.  L’animalité s’empare des comportements et les travestit, déteint sur l’existence et en fait ressortir la noirceur inavouable. En filigrane, un discours intéressant sur l’aliénation du travail, sur les effets pervers de la technique qui, si on n’y adhère pas forcément, n’en demeure pas moins intelligemment mise en scène malgré sa démonstration ostentatoire et revendicatrice. Une réalisation et un montage très maîtrisés, la photographie de Pierre Cottereau, des images qui vous hantent longtemps après la dernière minute du film contribuent à faire de cette part animale un film salutairement dérangeant. Pour ceux qui ne craignent pas de ne plus jamais voir les dindons et les petits pains de la même manière et de faire surgir la part animale qui est en eux.  A noter : Niels Arestrup, parfait en patron bourru et inquiétant, de même que Sava Lolov en employé effacé qui se laisse peu à peu envahir et submerger par sa part animale.

medium_mouth.JPG Un autre film coup de poing a marqué ce festival au point de recevoir le prix de la meilleure musique, le prix des Lycéens et le Grand Prix du Jury. Il s’agit de Mouth to Mouth, le premier long métrage de la britannique Alison Murray, qui n’est d’ailleurs pas sans présenter quelques points communs avec La part animale, titre qui sied d’ailleurs très bien aussi à Mouth to Mouth. Sherry a 15 ans. A la recherche d’un mode de vie qui lui laisserait l’opportunité de rester elle-même, elle intègre le SPARK, groupe de jeunes voyageant dans toute l’Europe de technivals en petits boulots. S’apercevant rapidement du côté sectaire de cette communauté, Sherry va bientôt devoir lutter pour se protéger et protéger ceux qu’elle aime. Mouth to mouth est de ces films rares, à l’image de Little Miss Sunshine, qui s’empare des clichés pour mieux s’en affranchir et vous emporter. Mouth to Mouth est aussi de ceux là. Se présentant d’emblée comme un énième film sur le mal être et les dérives adolescentes à l’aspect « clipesque », Mouth to Mouth nous surprend ensuite habilement en nous emmenant sur un autre terrain, celui concentrationnaire des sectes par lequel elle se trouve fascinée, puis enfermée. D’aliénation il est donc aussi ici question. La force du film est celle de la relation fébrile entre Sherry et sa mère et de l’aveuglement de l’une qui éclairera l’autre, pas forcément celle que l’on aurait pu croire. Avant cela, il aura fallu passer par des scènes initiatiques d’une force inouïe. Ellen Page qui incarne Sherry et qui avait déjà marqué le dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville par son incroyable performance dans Hard Candy, est ici remarquable, à l’image de la majorité des acteurs de ce film. La mise en scène chorégraphiée permet d’alterner moments d’âpreté et de poésie. Un « bouche à bouche » électrisant dont vous ressortez avec l’impression d’avoir effectué un voyage au bout de l’enfer, qui vous bouscule et vous éclaire.

Les 5 autres films en compétition nous ont emmené aux 4 coins du monde, avec des thèmes (la paternité, la maternité, le deuil) et musiques (Alléluia) et victimes (nos « amis » les bêtes) récurrents malgré une compétition dont l’éclectisme est à souligner.

Elle nous a donc conduits au Québec avec Luc Picard, le réalisateur et acteur de L’audition. Agent de recouvrement aux méthodes musclées Louis rêve, depuis sa tendre enfance, d’être acteur. Grâce à une cousine, il est invité à passer une audition dans laquelle il jouera un père léguant un dernier message à son fils. Luc Picard est un comédien renommé au Canada qui passe ici à la réalisation. Malgré un pré générique poétique, onirique et prometteur, malgré une réflexion intéressante sur le métier de comédien et la paternité le film s’enfonce malheureusement dans des clichés qui atteignent leur paroxysme au dénouement d’une prévisibilité déconcertante, abusant des ralentis, d’Alléluia et de l’hémoglobine. Dommage, cette audition n’était pas dénuée de (trop) bonnes  intentions.

Avec Look both ways de Sarah Watt, nous prenons la route de l’Australie. C’est le week-end le plus chaud de l’été et un récent tragique accident de train est dans les esprits de tous. Avec cette nouvelle en trame de fond, sept personnes tentent de gérer des évènements inattendus. Ce film choral fait s’entrecroiser les routes de personnages tous confrontés à la mort d’une manière ou d’une autre. Malgré des dialogues parfois percutants, le brassage d’un trop grand nombre de hasards et coïncidences et de thèmes  (la vie, la mort, l’amour) finit par nuire à l’ensemble et le happy end sirupeux décrédibilise le propos qui n’était pourtant pas inintéressant, d’autant plus que les images d’animation permettaient d’instiller une distance avec leur sujet, et de leur donner d’autant plus de force. Dommage que l’idée n’ait finalement été qu’esquissée.

Après la chaleur de l’Australie, c’est le vent glacial de la Norvège qui nous conduit à l’étape suivante, celle de  Kissed by winter, le polar intimiste de Sara Johnsen. Victoria entame une nouvelle vie comme médecin dans un village de Norvège. Elle se plonge dans son travail pour éviter que ses souvenirs viennent la hanter. Un matin d’hiver, le corps d’un jeune homme est retrouvé dans la neige. La question est presque insoluble : comment se remettre de la mort d’un enfant ? Comment, si c’est possible, résoudre son sentiment de culpabilité ? Résolu par un pardon simpliste et soudain (le syndrome Red road et Little children ?) ce thriller psychologique dans une atmosphère glaciale aurait pu être une réflexion intéressante sur la culpabilité et le deuil. Sa construction à rebours, certes sans grande originalité qui s’achève par un plan paroxystique longuement annoncé, sur la musique de Jeff Buckley (Alleluia bis), et le jeu convaincant et convaincu de Annika Hallin valent néanmoins la peine de faire le détour pour arpenter les paysages enneigées de cet hiver paralysant.

Pour se remettre de cette glaciale étape, rien de mieux que le chemin de l’Argentine avec le film de Gabriel Lichtmann, Judios en el espacio. Le jour de la fête de la Pâque Juive, Santiago retrouve Luciana sa cousine et amour d’enfance qu’il n’a pas revu depuis 15 ans. En effet, toute la famille est de nouveau réunie au chevet du grand-père qui vient de rater sa tentative du suicide. Judios en el espacio est une chronique familiale qui alterne, sans jamais vraiment savoir choisir ou l’atteindre, entre nostalgie et causticité. Si ce film attendrissant nous arrache quelques sourires, son charme ne suffit pas à nous faire passer tout ennui.

Enfin, c’est en Italie que s’est achevé le périple de la compétition, avec  Il vento fa il suo giro de Giorgio Diritti. Suite à la construction d’une centrale nucléaire à côté de chez lui, Philippe, un berger français, décide de partir vivre avec sa famille dans un petit village des Alpes italiennes. Malgré un discours et des intentions louables : la dénonciation de l’esprit de communautarisme déchaîné par un nouvel arrivant, différent et donc perçu comme menaçant,  et un discours sur la liberté de choix non dénué d’intérêt, le mélange de fiction et de documentaire entre lesquels le réalisateur ne se décide pas à choisir nuit finalement à ses intentions, de même qu’un excès de ralenti et le jeu approximatif de certains acteurs.

medium_ping.JPGC’est un film allemand, Ping Pong de Matthias Luthard qui a clôturé le festival. Marqué par le récent suicide de son père, Paul, 16 ans, s’enfuit de la maison et débarque à l’improviste chez son oncle et sa tante, une famille d’apparence parfaite. L’oncle est cadre supérieur au caractère effacé, la tante est femme au foyer autoritaire, leur fils prépare une audition de piano pour l’entrée au Conservatoire de Leipzig. Paul leur demande l’hébergement le temps des vacances et la famille l’accueille sans trop de problèmes. D’abord intrus, Paul devient peu à peu arbitre puis élément perturbateur. Récompensé par le prix SACD de la Semaine de la Critique du festival de Cannes 2006, ce ping pong là est aussi ludique qu’audacieux, voire dérangeant. La mélodie de cette chronique familiale acerbe est  parcourue de notes volontairement dissonantes, dont le chien qui répond au doux nom de Schumann est un des dièses. Ping pong est un huis clos cruel à l’humour cynique, même sinistre, qui malgré une fin attendue (mais est-ce là l’essentiel ?) instaure une tension latente et constante  notamment grâce à une mise en scène aussi aseptisée que la trompeuse apparence des protagonistes de cette impitoyable partie.

Trois jours après, que reste-t-il de ce film, le mien de 4 jours ? Comment était-il ? Enrichissant comme un film historique. Inattendu comme un thriller (ou un dindon). Virevoltant comme une comédie musicale. Fellinien comme un certain soir de clôture. Désopilant et attendrissant comme un Woody Allen. Inoubliable, intense et rare comme un chef d’œuvre. De ces films après lesquels rien n’a changé, et après lesquels, aussi, vous avez la sensation de n’être plus tout à fait pareil, de croire à tout, surtout aux rencontres magiquement improbables et à l’impossible, même aux réponses aux bouteilles à la mer ( private message ). Tout cela, grâce  à eux, ci-dessous, éminente photographe y compris :

medium_palmares.JPG

Palmarès

Grand Prix du Jury, Prix de la Ville d'Annonay

Mouth to Mouth d’Alison Murray (Royaume-Uni)

Prix Spécial du Jury

La Part Animale de Sébastien Jaudeau (France)

Prix du Public

L’Audition de Luc Picard (Québec)

Prix des Lycéens

Mouth to Mouth d’Alison Murray (Royaume-Uni)

Prix de la Meilleure Musique de film

Mouth to Mouth d’Alison Murray (Royaume-Uni)

LIENS

             Le site officiel du 24ème Festival International du Premier Film d’Annonay 

Pour tout savoir sur le jury de cette 24ème édition : http://www.annonaypremierfilm.org/festival/images_docs/doc_141.pdf

Le blog de la supernounou de notre jury (et auteur de toutes les photos de cet article prises lors du festival) sur lequel vous trouverez un compte-rendu vibrant et très complet du festival : Sur la route du cinéma

 Le poétique blog d'une autre jurée:  Carnets de nuages

Sandra.M

Lien permanent Imprimer Catégories : FESTIVAL INTERNATIONAL DU 1ER FILM D'ANNONAY Pin it! 13 commentaires

Commentaires

  • C'est toujours un plaisir que de vous lire, en prenant son temps. Quel bonheur ce doit être en effet de voir tous ces films même si c'est certainement très exigeant aussi. Il est vrai que pour une fois vous avez été assez critique surtout avec la Môme. Mais, pour être un peu cynique, n'est-il pas logique que la première chanteuse populaire markétée fasse l'objet d'un film mercantile ?

    J'essaierai d'aller voir Un Crime, vous m'avez donné envie, même si la Part Animale m'interpelle, il est parfois nécessaire de faire des choix. L'affiche de Pingpong (à défaut de pouvoir aller au cinéma je regarde les affiches) est très étrange...

  • Rien à ajouter à "La Môme"... ou plutôt si. J'ai relu l'ensemble des "critiques" proposées et je me demande comment les "critiques" si prompts à démollir les oeuvres ont pu ressentir la moindre émotion pour ce ratage bruyant, hystérique et vraiment pas élogieux. Le meilleur hommage que je pouvais rendre à Edith c'est de mettre deux videos. Bien sûr, à 40 ans elle en paraît 70, mais elle digne, souriante et pas pliée en deux prête à s'écrouler... J'ai lu un article d'une "amie" d'Edith qui a été écartée du film. Elle dit qu'elle ne l'a jamais vue ivre morte du matin au soir. Et puis, géniale ou pas, aurait-elle eu près d'elle tant d'amis dévoués si elle n'était que la personne méchante et caractérielle qu'on nous montre... Bref, j'arrête, on pourrait épiloguer des heures !

    Pour l'Annonay... je suis à la fois ravie et étonnée que "La vraie vie..." nous ait (une nouvelle fois) rassemblée. Plus j'y pense, plus j'aime ce film. Merci de rappeler cette belle scène qui plane au-dessus de l'ensemble, qui montre comment l'émotion peut envahir, qui prouve qu'une belle actrice peut être sublime.
    J'espère que tu pourras écouter ceci (avec ta connection abracadabrantesque) :
    http://www.youtube.com/watch?v=OqxFDJTFyRI

    Pour la "Part animale"... plus je pense à ce film, plus il disparaît, moins il existe !

    Pour les autres (les films, les vrais gens de la vraie vie...), quel tourbillon !!!

    Alleluia.

  • @ Pascale: Je sais, je suis désespérante avec mon siècle de retard mais non, je ne peux pas écouter.
    Cela doit être ça "Le tourbillon de la vie" de JEanne. Je crois qu'aucun de nous ne s'en est remis. Et évidemment pas les Douglas. Quelle frilosité et finalement sensiblerie( et malheureusement pas sensibilité!!) des critiques. J'espère que "La vraie vie est ailleurs" sortira en France! J'aimerais beaucoup le revoir.

  • @Ropib: En effet, c'était un vrai bonheur surtout que ce jury était particulièrement bien choisi et que, je me répète mais tant pis, y régnait une réelle magie...celle du cinéma sans doute.

    Je suis ravie de vous avoir donné envie de voir "Un crime" malheureusement peu médiatisé, lui en revanche, lors de sa sortie.

    Justement le film nous montre que Piaf est tout sauf marketée. C'est vrai que je suis rarement aussi sévère (tout en reconnaissant certaines qualités au film)...mais il faut bien que quelqu'un ose l'être.

  • Et non, il s'agit de la chanson toute en kitscherie qui illustre ton propos :
    "à l’image de ce long plan où, sur une musique italienne, la jeune femme passe de la tristesse à la joie..." !
    Jamais je n'aurais imaginé que cette chanson ringarde puisse me faire un quelconque effet.
    Cela dit, il FAUT que tu revoies le film car la jeune fille passe de la joie à la tristesse et non l'inverse comme tu le dis... Au début elle est agacée d'entendre cette niaiserie, puis joyeuse, car finalement tout le monde la connaît cette chanson qui met des fourmis dans les jambes, comme pour un tango argentin et enfin, ses yeux s'embrument, son menton tremble et elle arrête la radio d'un geste brusque non ???

  • Il faudrait revoir le film (vivement qu'il sorte en France!) ou demander à l'intéressé mais il me semblait qu'elle passait d'abord de la tristesse à la joie en entendant la musique puis qu'elle passait par diverses couleurs de l'émotion avant de revenir à la réalité et d'éteindre la radio. Me trompé-je?

  • Oui tu te trompéje !
    Demande à Fred !

  • ... trompèjes... pardon. J'aime pas les fotes d'aurtograf.

  • Bonjour Sandra,

    J'ai eu l'occasion d'y être juré en 2001 si je ne me trompe pas d'année.
    Un magnifique souvenir comme les films présentés trés impressionnant certains !!!

  • Connais-tu la date de sortie de "Mouth to mouth", c'est très attirant, je suis convaincue! Je suis d'accord avec toi sur "La Môme", j'ai fait un billet négatif sur mon blog et ça n'a pas bp plus...(autant écouter un cd d'EP). Pour "La Vie des autres, d'accord aussi, le meilleur film depuis longtemps, je pense que ça marche à son rythme, le bouche à oreille fonctionne. En revanche, bien qu'étant fan de cinéma allemand école de Berlin, ce "Ping-Pong" m'a contrariée à cause du chien!!! et ce n'est pas le meilleur des réal allemands, il en fait trop, c'est à dire le moins possible de façon trop travaillée. A+ PS. "Un Crime", je l'avais recommandé sur mon blog mais on a préféré la même semaine l'indigeste film de Zabou Breitman....

  • @ Mme Tozzi: J'ai l'impression que M. de Euh (ou M.R de la page 6!) s'est emparé de ton orthographe.

    @Hicham ex Cairo: Le film que vous aviez primé était-il sorti en salles? Ravie en tout cas de voir que d'autres "annonéens" fréquentent ce blog (autres que les éminents membres de l'année 2007.:-))

    @vierasouto: "Mouth to mouth" n'a pas de distributeur français pour le moment, comme tous les films présentés à Annonay, c'est d'ailleurs particulièrement rageant au regard de la grande qualité de la plupart d'entre eux.
    Je vais aller voir ton billet sur "La Môme" qui a pourtant l'air de bien marcher... et celui d"Un crime" qui n'a pas eu cette même chance.
    Pour "La vie des autres", je suis ravie que le bouche à oreille fonctionne, ce film le mérite vraiment.
    Pour "Ping pong", je trouve la réalisation plutôt maîtrisée pour un premier film...et cela m'amuse que l'on s'émeuve du sort du chien alors que les humains n'y ont pas vraiment un sort plus enviable!

  • Pour une qui s'empare de sa souris fébrilement... ne pas s'émouvoir sur le sort d'un chien, c'est pas logique !

  • Ah, je reconnais bien là le Douglas qui sommeille en toi!

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